Autour du décrochage scolaire
Quelques éléments
@ François
Muller -2006
http://www3.sympatico.ca/njacob/decrochage_scolaire.htm
Le décrochage
scolaire est une réalité sociale qu'on ne peut nier, dissimuler. Cette réalité
prend actuellement des proportions alarmantes. Il est d'une très grande
importance de questionner cette problématique sociale qui a de graves
conséquences et ce tant dans la vie des
jeunes que sur le plan collectif et économique.
La
réalité du décrochage scolaire remonte au début de l'histoire des écoles mais
ce concept ne fit son apparition qu'au début des années 1970 et ce n'est que
depuis la fin des années 1980 que ce sujet se trouve au cœur des préoccupations
éducatives. Avant les années 1960 et 1970, beaucoup de jeunes quittaient
l'école très tôt, cependant, cette réalité était "normale" puisqu'à
cette époque, le travail manuel était valorisé et il fallait "gagner sa
vie".
Portrait
Il existe
plusieurs définitions du décrochage scolaire. Premièrement, celle du Ministère
de l'Éducation du Québec qui définit le décrocheur comme un jeune inscrit au
niveau secondaire et qui n'est plus inscrit dans un établissement d'enseignement
l'année suivante alors qu'il n'a pas obtenu son diplôme d'études secondaires,
qu'il n'est pas déménagé hors du Québec et qu'il n'est pas mort (MEQ,
1991). Deuxièmement, on peut parler de
décrochage lorsqu'un étudiant quitte ses études avant la fin de l'année
scolaire mais qui se réinscrit l'année suivante.
Selon des
récentes données, le taux de décrochage au Québec est d’environ 36%. Ce taux de décrochage est plus élevé chez les
garçons (42%), comparativement à 28% chez les filles.
Le MEQ
définit deux types de décrocheurs soit ceux qui se valorisent hors des lieux
scolaires et qui sont à la recherche d'un emploi et ceux qui n’ont pas vraiment
d’objectifs précis qui quittent les bancs de l'école en raison de leurs échecs
scolaires (MEQ, 1990).
La plupart
des jeunes qui décrochent sont âgés de 16 à 18 ans (Duclos, 1992). De ce
groupe, 20% décrochent alors qu'ils sont en secondaire I et II, alors que 80%
le font alors qu'ils sont en deuxième cycle du secondaire. De plus, des jeunes
qui décrochent, 50% ont pris du retard de leurs études primaires alors que 30%
n'ont jamais accusé de retard.
Au Québec,
le tiers des décrocheurs vivent dans un contexte familial autre que
bi-parental. Aussi, 53,4% des jeunes vivent dans des familles où les deux
parents travaillent; 23,6% ont un père qui travaille alors que leur mère est
sans emploi; 5,3% vivent dans des familles où l'aide sociale est la seule
source de revenu; 3,4% des jeunes qui décrochent vivent dans une famille où les
parents reçoivent les prestations d'assurance-emploi.
CAUSES
Plusieurs
facteurs d'ordre personnel peuvent amener un jeune à décrocher. La démotivation
est probablement un facteur déterminant dans la décision du jeune d'abandonner
ses études. En effet, l'étudiant démotivé faisant face à plusieurs échecs
scolaire, en vient à percevoir le marché du travail comme la solution à ses
difficultés. D'autres facteurs personnels peuvent aussi expliquer le décrochage
scolaire. Par exemple, la faible estime de soi, les difficultés
interpersonnelles, le besoin de liberté, d'aventure et de changement de même
que l'abus de drogues et d'alcool peuvent tous être des motifs de l'abandon des
études. Chez les filles, il arrive que la grossesse soit la cause du
décrochage. Mais attention, il ne faudrait pas non plus écarter facilement
l’hypothèse d’une dépression chez nos jeunes qui est de plus en plus présente
mais encore bien peu diagnostiquée.
D'autres
études, telle que celles du Ministère de l'Emploi et Immigration, définissent
les profils des décrocheurs premièrement comme étant des jeunes venant des
familles "défavorisées et dysfonctionnelles". Ces jeunes vivent
souvent dans des centres d'accueil, ils ont vécu de multiples changements dans
leur vie et sont dans une situation socio-économique précaire. Deuxièmement, il
y a des "indépendants à esprit créateur". Ces derniers sont issus de
familles favorisées sur le plan financier et leurs parents ont un niveau
d'études élevé. Toutefois ces jeunes n'aiment pas les structures scolaires, et
ils se dirigent souvent dans le domaine des arts. Troisièmement, il y a les
jeunes "centrés sur les métiers" qui considèrent que les
connaissances transmises par le milieu scolaire sont inutiles. Ils ont souvent
des problèmes académiques et de "troubles" de comportement. Ces jeunes
sont attirés par le travail manuel. La quatrième catégorie est celle des
"membres des minorités visibles". Ces jeunes ont des difficultés
d'intégration dans le milieu scolaire, ils se sentent de trop et sont souvent
victimes de discrimination. Enfin, la dernière catégorie est celle des
"élèves en situation critique". Ils proviennent de familles dont les
parents sont peu scolarisés et s'intéressent peu à leurs études.
Les jeunes
qui décrochent font face à plusieurs préjugés. Ils sont considérés par un grand
nombre de personnes comme des paresseux et des fainéants. Ils sont perçus comme
des jeunes sans persévérance n'ayant aucun but dans la vie. Pourtant, il y a à
peine trente ans, les jeunes qui cessaient de fréquenter l'école étaient
relativement bien perçus puisque c'était « monnaie courante ». De plus, la société québécoise de cette
époque n'accordait pas à l'éducation l'importance qu'elle lui accorde
aujourd'hui.
Aujourd’hui,
lorsque on parle du décrochage, on a souvent tendance à vouloir identifier des
coupables, des responsables. Les médias nous présentent souvent les parents
comme étant responsables du décrochage scolaire. Pour ces parents qui sont
pointés du doigt, le décrochage est un problème qui les dépasse. Pour eux, le
décrochage est perçu souvent comme un échec. Pour les jeunes, le décrochage est
vu comme une avenue, une solution intéressante pour résoudre bien des tracas.
Sans être facile, la décision de décrocher est un choix de vie qu'ils font pour
la liberté.
Il n’y a
pas lieu de chercher les coupables mais de questionner plutôt le phénomène du
décrochage comme un phénomène de société. Les décrocheurs ne sont pas des
paresseux. Il faut se questionner sur le système scolaire actuel qui ne répond
peut-être pas assez aux besoins des jeunes.
La
situation financière des parents a également une influence sur le décrochage
scolaire. Des études ont démontré que le taux de décrochage est deux fois plus
élevé chez les jeunes vivant dans une famille à faible revenu. Les familles
pauvres représentent 13% de l'ensemble des familles avec enfants et l'ensemble
de ceux-ci vont décrocher (CANADA, 1991). Deux principales raisons expliquent
pourquoi les enfants issus de familles pauvres sont plus nombreux à décrocher.
Premièrement, les jeunes vivent un sentiment d'humiliation lorsqu'ils ne
peuvent pas se procurer tous le matériel scolaire nécessaire à leurs études et
que, fautes de ressources financières, ils ne peuvent participer à certaines
activités pédagogiques. Ces adolescents ne peuvent se mêler à leurs pairs, ce
qui entraîne d'énormes frustrations. Les attentes et les aspirations de ces
jeunes diminuent car l'école devient le lieu où les inégalités sociales sont
très apparentes. Deuxièmement, la pauvreté peut compromettre la santé mentale
et physique des adolescents ce qui rend leur apprentissage difficile. Les
carences alimentaires créent des difficultés de concentration, de la fatigue et
un manque d'intérêt ce qui favorise le décrochage scolaire.
Selon
plusieurs études, la principale cause du décrochage scolaire serait le retard
scolaire. Une enquête du MEQ révèle que 90,7% des jeunes qui ont décroché ont
eu au moins un échec l'année où ils ont abandonné. Toutefois, il faut demeurer
vigilant face à cette réalité avant d'établir une relation causale linéaire
puisque de nombreuses données ont été présentées jusqu’à présent.
Les
structures scolaires de même que l'inadéquation entre les attentes des jeunes
et les contenus des cours sont également des dimensions importantes à
considérer dans les causes du décrochage. Beaucoup de jeunes ne voient pas la
nécessité de ce qui leur est enseigné et sentent qu'ils n'ont pas la place à
l'intérieur des structures scolaires.
CONSÉQUENCES
Les
conséquences du décrochage scolaire sont très nombreuses et elles affectent autant
les jeunes que la collectivité.
Sur le
plan individuel, les conséquences du décrochage fluctuent énormément d'un jeune
à l'autre. Pour certains, quitter le milieu scolaire est une libération. Certains se sentent enfin autonomes et
croient faire partie "du monde des adultes". Pour d'autres, l'abandon
des études est vécu comme un échec personnel. Ces jeunes ne croient plus avoir
le potentiel nécessaire pour rencontrer les exigences sociales. Enfin, certains
jeunes vivent leur décrochage sous un mode ambivalent, c'est à dire qu'ils se
sentent "libérés" tout en se percevant comme des « incapables ».
Par
ailleurs, les jeunes qui cessent de fréquenter l'école ont peu d'endroit où
aller. Une bonne partie d'entre eux se
retrouvent dans les arcades et graduellement, certains se joignent aux
"gangs de rue". Selon certaines études, l'abandon du milieu scolaire
entraîne une hausse des activités délinquantes de même qu'une augmentation de
la consommation d'alcool et de drogues. Donc, le décrochage scolaire peut
parfois mener à la délinquance.
Le
décrochage a aussi d'énormes conséquences sur le plan économique. On pourrait
évaluer en milliards de dollars la perte économique que subira le pays à cause
du décrochage scolaire. A titre
d'exemple, ce phénomène se traduit souvent par des augmentations des
prestations d'assurance-emploi, prestation de la sécurité du revenu et des
frais qui y sont reliés, une incapacité de recruter de la main-d’œuvre
qualifiée etc.. Par ailleurs, les décrocheurs ont souvent des emplois précaires
et sous-payés. Ils sont une main-d’œuvre à bon marché et plusieurs entreprises
en profitent grandement. Le degré de
scolarité a donc une incidence sur le revenu. Moins on a les moyen financier
pour acquérir des biens, moins l’économie de la société peut bien se porter.
Changements
De plus en
plus, la question du décrochage préoccupe. Des débats sur la place publique ont
lieu afin de comprendre et si possible trouver des solutions. Des idées comme
celles-ci ont déjà été soulevées :
- d'offrir des programmes qui tiennent compte
du rythme d'apprentissage de chaque étudiant (e);
- que l'école devrait tenir compte de ceux qui
veulent travailler tout en étudiant;
- favoriser des classes moins nombreuses;
- offrir des options qui correspondent aux
intérêts des jeunes;
- avoir des classes pour les doubleurs afin
qu'ils puissent s'identifier à des pairs de leur âge;
- offrir des activités « hors cours »
afin de renforcer l'esprit d'appartenance à un groupe;
- offrir aux étudiants la possibilité de
recommencer seulement la matière où ils ont eu des échecs au lieu de tout
recommencer leur année scolaire. (cas s'appliquant surtout au sec I et
II);
- promouvoir des activités qui revalorisent les
étudiants et dans lesquels ils connaissent le succès;
Dans une
perspective visant plus le long terme, on devrait repenser une réforme,
permettre à chaque partie de s’exprimer, d’avoir un certain pouvoir :
BUTS:
- Transformer et démocratiser le système
scolaire afin d'offrir plus de choix qui répondent aux nouvelles réalités
des jeunes.
- Cesser d'adapter les jeunes à la structure
pour plutôt adapter les structures aux jeunes
Pour cela, il faut d’abord :
- Sensibiliser la population à la problématique
du décrochage scolaire
- Nommer les malaises face à la réalité
scolaire
- Amener les jeunes à prendre conscience.
- Permettre aux jeunes de faire entendre leur
point de vue
- Établir une meilleure communication entre les
adolescents et le monde adulte
- Responsabiliser les jeunes face au pouvoir
qu'ils ont d'agir sur leurs relations avec les pairs et les adultes
- Améliorer le climat des classes
- Informer les jeunes des alternatives
existantes
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