السبت، 9 مايو 2015

La psychologie à l’école et la clinique

La psychologie à l’école et la clinique
La psychologie à l’école et la clinique Deux grandes conceptions traversent la psychologie dite scolaire: celle liée à l’étude du développement de l’enfant et celle qui étudie les processus psychiques en jeu dans la constitution de soi. Ces deux approches sont complémentaires. L’histoire des sous-disciplines de la psychologie les a pourtant profondé- ment séparées. La première est étroitement liée à la psychologie cognitive et la seconde à la psychologie clinique. Aujourd’hui, les missions du psychologue à l’école l’appellent à la fois du côté de l’évaluation des capacités cognitives de l’enfant et du côté de celle de ses modes de fonctionnement au plan de sa vie psychique. Elles sollicitent le psychologue de l’Éducation nationale dans l’aide qu’il peut apporter à l’enfant, à sa famille, mais aussi aux enseignants qui ont pour charge de construire les bases des savoirs élémentaires dont l’enfant aura besoin toute sa vie. 
C’est dire si le psychologue de l’Éducation nationale doit développer des compétences dans le domaine de l’écoute, de l’évaluation des demandes qui lui sont faites, dans l’accompagnement et le soutien apportés aux enfants (et à leur famille) en difficulté, mais aussi dans le domaine des relations avec les autres intervenants du champ sanitaire et social. Davantage qu’un expert en évaluation des difficultés que rencontre l’enfant dans ses apprentissages fondamentaux, le psychologue de l’Éducation nationale est celui ou celle qui va prendre en compte la dimension subjective de l’enfant, considéré non pas seulement comme un élève, mais aussi et un surtout comme une personne dans sa dynamique globale. Ce point de vue est fondamental dans la mesure où il permet de penser les difficultés de l’enfant non seulement dans la dimension des apprentissages et de leurs aléas, ce qui risquerait de réduire la problématique de l’échec scolaire à la dimension d’un dysfonctionnement cognitif, sans lien avec sa problématique subjective, mais aussi dans celle d’une prise en compte de la vie de l’enfant en relation avec l’ensemble de sa vie psychique et son environnement familial et social. On le voit, il s’agit là de deux conceptions du monde qui s’affrontent: d’un côté l’enfant est perçu dans sa relation au savoir; en cas de difficulté, il s’agira d’intervenir dans ce strict champ cognitif sur une fonction défaillante et le psychologue de l’Éducation nationale sera convoqué en sa qualité d’expert pour intervenir sur les dysfonctionnements cognitifs (dyscalculie, dysorthographie, dyslexie, etc.). Dans l’autre philosophie, l’enfant est appréhendé dans sa dimension subjective et ses difficultés sont l’expression d’une problématique liée à un conflit psychique, problématique qui a un sens et qui concerne l’ensemble du fonctionnement psychique de l’enfant. Le dysfonctionnement devient symptôme. Mais la différence entre ces deux conceptions n’empêche pas une certaine forme de complémentarité. D’un côté l’affectif et le cognitif sont étroitement liés, de l’autre les dysfonctionnements cognitifs doivent être travaillés spécifiquement, pour eux-mêmes. D’un côté, l’enfant est envisagé comme une personne en construction qui rencontre des difficultés dans sa subjectivation, de l’autre, il est étudié dans les différentes fonctions (apprentissage, socialisation, etc.) qui façonnent sa vie. La psychologie clinique apporte au psychologue la dimension de la subjectivité, celle de l’étude des interrelations entre l’enfant et son environnement; elle donne une vue globale du problème sans «découper» l’enfant selon le type de problème qu’il rencontre. La psychologie de l’Éducation nationale intègre ces deux dimensions de l’affectif et du cognitif; mais pour pouvoir être exercée, elle suppose que le psychologue ait d’abord un regard clinique, une formation suffisante à la psychopathologie, avant d’entrer éventuellement dans des procédures d’aides spécialisées, telles les procédures de remédiation cognitive ou la psychothérapie de soutien. L’enjeu de la psychologie à l’école est de situer l’enfant dans son fonctionnement, mais aussi dans son histoire. Le temps scolaire n’est qu’un moment dans l’histoire d’un sujet, moment important certes, mais moment relatif et largement déterminé par des éléments qui échappent au seul domaine scolaire et qui appartiennent à son histoire singulière et familiale. C’est pourquoi aussi, l’exercice de la psychologie à l’école ne saurait se confondre avec une quelconque expertise en matière de pédagogie, même si le psychologue de l’Éducation nationale n’est pas ignorant en ce domaine ; elle ne saurait se réduire à un champ d’expérimentation des méthodes éducatives et encore moins à un auxiliariat pédagogique dont le but serait de faciliter les apprentissages de l’enfant. Soyons clair, le psychologue n’est plus un enseignant, il n’est plus un référent ou un soutien pédagogique pour l’enfant ou l’enseignant, il n’est pas non plus un spécialiste de telle ou telle fonction entrant en ligne de compte dans les différents apprentissages auquel l’enfant doit se confronter. Le psychologue de l’Éducation nationale apporte une dimension hétérodoxe au champ strictement scolaire : il témoigne de l’importance de la réalité psychique de l’enfant et du fait qu’un enfant tout seul, un enfant isolé de son contexte, cela n’existe pas. Cette position remarquable qu’occupe le psychologue à l’Éducation nationale au sein des établissements scolaires du primaire lui rend la tâche difficile parce que ses (anciens) collègues enseignants voudraient abolir une distance pourtant indispensable pour qu’il puisse travailler dans le lien, mais sans confusion des places et des fonctions. Cette position est rarement admise et comprise, y compris par la hiérarchie qui voudrait que la psychologie scolaire ne soit qu’une extension du domaine pédagogique, une aide à la mission de l’institution qui repose sur la transmission de savoirs, mission essentielle s’il en est, mais qui ne saurait délimiter la mission du psychologue. Le psychologue de l’Éducation nationale est donc d’abord un empêcheur de tourner en rond, un témoin de la résistance qu’oppose la réalité psychique à la réalité tout court, témoin de l’importance que les adultes doivent accorder à la vie psychique de l’enfant, à ses difficultés parfois à surmonter ses peurs, ses échecs. Le psychologue de l’Éducation nationale est bien là pour aider l’institution à dynamiser le potentiel de l’enfant.
La psychologie à l’école est clinique parce qu’elle tente de rendre compte de faits psychiques, de dysfonctionnements qui impliquent le sujet dans sa dynamique subjective et intersubjective. La psychologie à l’école est clinique parce qu’elle tente de rendre compte de ces dysfonctionnements et qu’elle met en œuvre les moyens de les traiter au sein de l’école ou en dehors si nécessaire. Si aujourd’hui l’école accueille de plus en plus d’enfants en son sein, y compris les enfants qui présentent des handicaps physiques et psychiques, ce qui sûrement constitue un progrès et une façon efficace de lutter contre l’exclusion – à condition que l’école se donne les moyens de sa politique –, il n’en reste pas moins que parmi les traitements de ces difficultés à mettre en place, beaucoup ne peuvent se réaliser dans l’école elle-même. Le psychologue à l’école est la personne clé de la situation, à la charnière de l’interne et de l’externe, seul capable de penser les soins psychiques dans leur globalité. Il faut donc au psychologue de l’Éducation nationale une identité professionnelle suffisamment forte, imprégnée de la culture scolaire et en même temps suffisamment dégagée de cette empreinte et du statut d’enseignant pour accomplir sereinement sa mission. S’il est un partenaire privilégié du médecin de l’Éducation nationale, il n’en est pas l’auxiliaire. Il a seul la compétence en matière de bilans psychologiques et d’évaluation du fonctionnement psychique de l’enfant, le médecin n’est pas formé pour cela; il peut également acquérir une solide formation en psychopathologie au cours de ses études, et aussi au cours des compléments (master professionnel en psychologie clinique et psychopathologie, notamment) que beaucoup de psychologues scolaires suivent après l’obtention de leur diplôme d’État de psychologie scolaire. Pourtant, ces deux personnages un peu atypiques dans le monde scolaire ont à travailler ensemble, de façon concertée et dans le respect mutuel de leurs rôles et fonctions. Le psychologue peut apporter au médecin des éléments de compréhension irremplaçables sur la situation psychologique d’un enfant. De la qualité de cette coopération dépendra celle des aides qui seront apportées aux enfants et à leurs familles.
Extrait du livre : Pratique de la psychologie scolaire
Georges Cogne et François Marty. © Dunod, Paris, 2013
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